avec l'orthographe de l'époque
Le monastère du Val de Grace est une abbaye de l'Ordre de S. Benoist, transférée ici vers l'an 1619, du Val profond où elle étoit située près du village de Bièvres, par les soins de la Reine Anne d'Autriche, qui en 1624 fit bâtir en ce lieu une petit chapelle & d'autres édifices peu considérables.
Cette princesse vers l'an 1645 fit commencer cette église, & ce magnifique bâtiment, en action de graces de l'heureuse & inespérée naissance du Dauphin (depuis Louis XIV) son fils, qu'elle eut après vingt-deux ans de stérilité.
L'excellence de ce superbe édifice a toujours obligé les étrangers sincères & sans prévention pour leur patrie, d'avouer de vonne grace que l'on ne peut rien de plus somptueux et de plus magnifique : ce célèbre monument de la piété d'Anne d'Autriche est composé de tout ce qu'il y a de plus exquis & de plus parfait dans l'architecture. Il a été commencé par François Mansard, continué par Jacques le Mercier, & achevé par le Muet & Duval, les plus fameux architectes de leur temps : il n'a cependant été fini qu'en 1665.
Vous verrez d'abord une grande grille de fer qui sépare une cour de vingt-cinq toises de longueur, et presqu'autant de profondeur, des deux côtez de laquelle sont deux pavillons qui font tête à deux corps de bâtiments. De cette cour vous découvrez le Portail élevé sur seize degrez ; il est formé de quatre grosses colonnes, entre lesquelles sont les statues de Saint Benoist & de Sainte Scholastique en marbre blanc, faites par François Anguierre ; les autres ornemens sont de Buister & de Renaudin : cette inscription est gravée en lettres d'or sur la frise de ce portique.
Jesu nascenti, Virginique Matri,
Remarquez avant que d'entrer la beauté du Dôme couvert de plomb à bandes dorées ; la balustrade de la lanterne, la coupole & la Croix qui sont très hautes, chargées d'ornemens et de dorures.
Si les dehors de cette église sont brillans, les dedans sont d'une magnificence qui surpasse : le pavé est tout de marbre choisi, de diverses couleurs & placé en compartimens : la voute faite d'une sorte de pierre blanche comme le marbre, est remplie d'ornemens qui sont de smeilleurs ouvrages d'Anguierre : l'ordre corinthien règne par-tout dans cette admirable église, avec une proportion qui enchante les plus habiles connoisseurs.
Les figures en bas-reliefs sculptées sur les neufs arcades des Chapelles (trois sous le Dôme & les six autres dans la nef, trois de chaque côté) représentent les Attributs à la Sainte Vierge, savoir, en commençant à la Chapelle de Sainte Anne, la Miséricorde & l'Obéissance; la Pauvreté & la Patience, à l'Autel du Saint Sacrement; la Simplicité & l'Innocence, au chœur des Religieuses ; l'Humilité & la Virginité, près de la Sacristie; ensuite la Bonté & la Bénignité, à l'autre Chapelle de la Nef; & la Prudence & la Justice, sur la dernière à droite. A la première Chapelle à gauche en entrant, la Force & la Tempérance; ensuite, la Religion & la Dévotion; la Foi & la Charité, près le Dôme; toutes ces sculptures & les autres ornements sont de Michel Anguierre & d'un grand mérite.
Le grand Autel est placé sous le Döme; mais trop enfoncé : il est composé de sux grosses colonnes torses, du dessein de la Duc, faites d'un marbre noir veiné de blanc, & qui ont coûté soixante mille livres : il y en a peu de cette qualité en Europe.
Ces belels colonnes sont posées sur des pieds d'estaux de marbre, garnis d'ouvrages de bronze doré; elles soutiennent un baldaquin en forme de dais, composé de six grandes consoles qui se joignenet dans le milieu, pour soutenir un petit plafond sur lequel est soutenu un globe avec une Croix au dessus. Sur l'entablement il y a six Anges avec des encensoirs en la main, près desquels on a mis des festons et des palmes où sont suspendus plusieurs petits Anges qui tiennent des rouleaux où sont écrits des versets du Gloria in excelsis Deo.